Selon le monde, je suis blanche

Je ne vais pas prétendre comprendre ce que vivent les personnes victimes du racisme. Selon le monde, je suis « blanche ». Je ne me suis jamais sentie « blanche » ni identifiée à cette terminologie. Je n’ai jamais ressenti aucun attachement à un pays en particulier – ni à un peuple, ni à une culture. J’ai grandi en Belgique – un tout petit pays dont la population est extrêmement diversifiée mais aussi divisée. Et pour cause: pays colonisateur, pays importateur de main d’oeuvre, 3 régions linguistiques… J’ai entendu les anecdotes xénophobes vécues par ma mère, immigrée Italienne, qui ne s’est jamais sentie chez elle. Je me souviens de sa réaction lorsque j’ai évoqué l’idée de changer de nom pour porter le sien… « Ça va te fermer des portes ! »

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Je me souviens aussi de la réaction d’un pote venu me visiter au collège : « C’est vraiment blanc ici. » (un pote africain devrais-je préciser). Et moi, en écho, 20 ans plus tard, le lendemain de mon arrivée à Seattle : où sont les noirs ? Un manque de diversité qui me mettait mal à l’aise.

J’ai grandi auprès d’enfants africains. J’ai passé une partie de mon adolescence avec pour sœur une chinoise venue étudier en Belgique. J’ai travaillé comme assistante sociale avec des réfugiés et demandeurs d’asile. J’ai entendu les récits d’horreur de victimes de guerres non-reconnues à qui l’ordre était donné de rentrer chez elles, tout en précisant les risques associés. J’ai versé des larmes avec elles.

J’ai fait l’expérience du racisme via mes amis. Je l’ai vu devant moi. J’ai vécu la porte fermée à l’entrée des boites de nuit en présence de ceux qui ne portaient pas « le bon nom » ni « la bonne couleur ». J’ai entendu leurs histoires mais… ça ne reste que des histoires. Même mon mari – asiatique – peut témoigner des différences de traitement. J’aime voyager. Mes amis sont très diversifiés. Pourtant, je me suis étonnée, avec honte, d’être un jour mal à l’aise en prenant le métro (dans ma ville) et de réaliser être la seule « blanche » à bord. Ce sentiment soudain d’être différente et de ne pas appartenir. J’ai pensé à ma mère et tous ceux qui vivent cela au quotidien !

Mais… je n’ai jamais vécu d’agression raciste dirigée vers moi. Alors, non, Je ne vais pas prétendre comprendre ce que vivent les personnes victimes du racisme. Je peux entendre, écouter, compatir, dénoncer, et soutenir. Mais qui suis-je pour prétendre comprendre ? Qui suis-je pour ressortir les récits traumatiques du passé et crier à l’injustice aujourd’hui ?

Lorsque j’entends tout ce qui sort et se dit dans les news, je n’ose imaginer ce que doivent traverser les personnes concernées. On leur déballe en pleine gueule horreur après horreur. Imaginez la victime d’un viol qui témoigne à la barre et qui entend son trauma raconté et questionné encore et encore, qui entend les témoignages d’autres victimes, encore et encore… la compassion, les « je comprends », la pitié… et elle de se dire « arrêtez l’hémorragie bon sang ! Je ne suis pas qu’une victime mais une personne à part entière !» C’est du pareil au même ! Comme je lisais hier dans un article qui rejoint ma pensée: ‘They’re unearthing old wounds in people of colour, and their grip is leaving bruises. Can’t you educate yourselves quietly?’

L’heure n’est pas au choc, ni à la révélation, ni à la pitié, mais au changement. Et celui-ci commence avec chacun d’entre nous, à un niveau individuel, lorsque nous prenons conscience de qui nous sommes, de CE QUE nous sommes, ensemble. Lorsque nous affirmons cette identité, cette nature universelle, dans chacune de nos relations et interactions.

Je Suis et, ensemble, NOUS SOMMES. ♥

Pensons-y la prochaine fois que nous ouvrirons la bouche pour verbaliser nos discours antiraciste et nos révoltes quelles qu’elles soient.
À bon entendeur…

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